Attitude d'empathie et de négatricité
2. Posture d’Empathie
Une première étape, celle de « La sollicitation» peut être considérée comme étant le point départ de toute situation d’enseignement, elle débute habituellement par une posture d’empathie positive, dans une situation d’instruction avec des micros gestes professionnels inductifs ; elle se caractérise par des indicateurs très repérables et constants dont le premier perçu est la voix et son parcours intonatif. « Maintenant vous sortez vos cahier de mathématiques…». L'analyse de cette première phrase dans son parcours musical, nous donne plusieurs informations quant à l'intention du locuteur. La voix est claire, l’intonation est toute empreinte de positif, comme si elle voulait stimuler le groupe à rentrer dans l’activité. Cela nous amène à faire une première constatation, en revenant à la source du langage. En effet, de même que le parcours intonatif de la voix est bien le premier paramètre que l'enfant maitrise dès sa première année d’existence, l'adulte perçoit par cette « musique du mot », les intentions les plus variées qui correspondent aux différents états affectifs du locuteur.
Une deuxième phase, que nous appellerons « la réplique », l'enseignante aperçoit un élève qui fait une activité déviante, elle rentre alors dans une posture où il souhaite le ramener à l'activité collective. Elle est toujours dans une empathie positive consciente , mais voyant que la situation ne fonctionne pas comme elle l’avait prévue, elle change progressivement de stratégie et entre dans un autre registre, tout en restant dans un micro geste d’instruction , elle choisit d’investir une situation plus injonctive . Trois indicateurs se mettent alors en action, le premier est le corps qui par sa position, très stable, les deux mains l’une dans l’autre, avec un pas en avant en direction de l'interlocuteur en appui, interpelle l’élève en le cherchant du regard. Le deuxième indicateur est l’intonation de la voix ce que nous avons appelé la musique des mots, ou parcours intonatif de la phrase prononcée. Le ton de la voix est ici le véhicule du mot, il est encore une fois, considéré comme étant le marqueur de l’intentionnalité du locuteur : « Jonathan, range s’il te plait ce que tu as dans les mains ». Enfin le troisième indicateur est identifié par le choix qui est fait des termes utilisés . La situation est claire, l’enseignante laisse percevoir son intention de le faire changer d'occupation. Le simple fait de prononcer le prénom sur une intonation en trois notes, dont la dernière reste en suspension, laisse entendre que la maîtresse est dans de bonnes dispositions, nous pourrions l’appeler une interpellation de bienveillance ou situation de régulation à ce stade du développement de l’incident, en formulant sa demande, l’enseignante pense que l’élève va rentrer dans le rang et rapidement changer d’occupation. Dans le découpage sémantique de la phrase le prénom vient au début, il est suivi d’une césure, avant d’annoncer ce qui est demandé. Nous sommes bien dans une situation injonctive , mais toujours dans une posture d’empathie . Le temps utilisé lui aussi est un indice remarquable, « range s’il te plait ce que tu as dans les mains » l’impératif suivi d’une formule de politesse habituelle aurait pu suffire à clore l’évènement. L’interlocuteur, n’est pas mis à distance, il n’est pas rejeté, le dialogue est maintenu, l’enseignante semble donner une chance à l’élève et ne pas faire cas de son dysfonctionnement. L’intonation de la voix est ferme, l’enseignante nous montre ainsi que ce qu’elle demande n’est pas négociable, cela se perçoit dans le parcours intonatif, qui commence dans l’aigu pour se terminer sur une tonique dans le grave, marquant ainsi la volonté du maître. Sa position est juste devant le groupe, nous indiquant une position d’attente, la tête est penchée sur le côté avec appui sur un pied, montrant en cela une énergie concentrée sur un axe horizontal qui se dirige en direction de l’élève, un moyen de pression pour l’aider à réagir. L’incident n’a pas duré plus de quatre secondes, l’enseignante à relevé le problème ; une manière implicite de rappeler le règlement intérieur, elle a ainsi, signifié à l’ensemble de la classe qu’elle n’acceptera pas ce genre de comportement ; l’incident aurait pu en rester là. Le geste professionnel ainsi identifié et analysé ci-dessus, est très probant il est suffisamment clair pour normalement être efficace.
Mais la réalité en décide parfois autrement, nous postulons dans ce jeu de situation, que l’élève ne cède pas, qu’il cherche à rentrer en conflit, nous rentrons dès lors dans :
Une troisième phase, celle du « marquage de territoire », la situation va s’envenimer, l’incident prend alors une autre tournure. L’enseignante fait deux pas en avant, et pose la question suivante : « Jonathan, qu’est-ce que c’est ? »… L’enseignante se rapproche du groupe classe, elle fait signe en se penchant encore plus, les mains en position d’attente signifiant ainsi qu’elle veut identifier la cause en étant au cœur de l’incident. « Ta Nintendo ça na rien à faire ici ! On est en train de faire du français », l’élève coupe le maîtresse et dit en superposition : « Je range ! » Réponse du professeur : « D’accord, donc tu la ranges tout de suite ». A ce stade, l’enseignante croit qu’il a maîtrisé la situation. Ces gestes sont plus significatifs, la main gauche s’est détachée de la main droite et souligne par un geste marqué, les accents prononcé sur les paroles : « ça n’a rien à faire ici. » Les indicateurs semblent montrer qu’il pense avoir « gagné », ce qui se confirme par la phrase qui suit : « D’accord, tu le ranges tout de suite ! ». Le mot d’accord lui fait espérer que l’élève va obéir , il arrive comme une respiration dans ce combat intérieur qui est vécu dans l’instant, le mot vient pour encourager l’élève, avec le menu espoir que cela va suffire et que ce dernier va obéir. Ce moment est crucial, la seconde semble interminable, à tout moment l’incident peut basculer dans un registre ou un autre. Elle est très longue cette seconde et elle fait mal, l’enseignante est aux aguets prêt à bondir, le seuil de tolérance propre à chacun n’est pas loin d’être atteint . En deçà, personne ne va pouvoir prédire ce qu’il peut se passer. Et c’est bien là, qu’il faut essayer de rester professionnel, ayant identifié ce point cathartique, trop proche du but, l’enseignante ne peut plus concevoir une autre solution que la délivrance . La solution voudrait que très vite on s’adresse au grand groupe avec un regard positif, pour reprendre le cours normal de la séance et clore l’incident . Malheureusement, trop souvent la fin de cette étape est mal maîtrisée, l’enseignante attend on ne sait quoi, comme pour bien faire comprendre qu’elle est maître du jeu, est-ce par hésitation ou par peur de ne pas s’être suffisamment fait comprendre, la posture devient dès lors ambigüe ? La classe a été prise en otage par l’élève perturbateur et si l’incident dure une seconde de trop, tout est à refaire, la réaction vient de créer de la résistance chez son interlocuteur.