Attitude d'empathie et de négatricité

3. Posture de Négatricité

A partir de là, si l'élève rentre dans une posture de refus d'obtempérer, alors la situation se bloque. Nous abordons ainsi :

Une quatrième phase, celle « du combat rapproché ». Nous passons d’une situation de communication dite de rupture à une situation de communication dite de « négatricité » où l’élève déni le pouvoir légitime du professeur. Si l’enseignante  n’a pas compris le mécanisme, ne s’est pas approprié en formation un protocole de réponses appropriées, afin de toujours rester dans une posture professionnelle, alors les réactions sont systématiquement les mêmes, l’incident non maîtrisé dans les quelques secondes amène inévitablement le locuteur à rentrer dans une posture négative. La plus part du temps dans nos trop nombreuses observations, l’enseignant ne choisit pas consciemment cette posture, il le fait certes de manière inconsciente , mais la faille est bien là, lisible par l’ensemble des élèves d’une classe est surtout par l’élève responsable du conflit. Cette posture de non mise à distance, toute empreinte d’antipathie , est trahie par les nombreux gestes et attitudes qui dénoncent ce qu’il ressent intérieurement, son regard joue ici un rôle primordial, il est non équivoque et nous situe de fait instantanément dans le registre d’un micro geste de la sanction . Comme si le curseur avait été monté en intensité jusqu’au point de rupture, comme si l’adulte ne pouvait plus contenir la tension véhiculée par la situation. Dans notre situation pilote, l’élève fait mine de ne pas comprendre et ne range toujours pas la Nitendo ; dès lors, l’enseignante rentre rapidement dans l’espace de l’élève,  le lien se tend. L’enseignante se déplace jusqu’à l’élève, il va jusqu’au contact et lui dit : « Bon alors je la prends ! Tu donne ! Je te la rendrai à la récréation ! » Nombreux sont les indicateurs qui se mettent alors au rouge : le débit de la voix est plus rapide, le ton de la voix, lui, monte dans les aigus, la distance au sujet se rétrécie, les différents gestes des mains et le regard se tendent… le tu de « tu donnes ça ! » est en général l’instant qui fait tout basculer, en effet, la formule n’est pas la meilleure qui soit, en ce qu’elle prend l’autre à parti, le tu agresse l’autre en le ciblant, le je n’accepte pas en partant du ressenti, semble être une formulation bien plus efficace. Progressivement, nous rentrons dans une posture de plus en plus négative, une situation de sanction, répressive sans reformulation . Nous sommes dès lors, dans un moment charnière, celui de la reprise ou non du pouvoir de l’Autorité.


Mais heureusement, toutes les situations ne se terminent pas par un conflit poussé à l’extrême ; grâce à la formation, si le cas lui a déjà été présenté lors de jeux de situation, avec la mise en place dans une introspection gestuée, d’une posture contrôlée, l’enseignant doit peu à peu apprendre à maîtriser ses gestes, il va pouvoir contrôler ses réactions, il aura plus de chance de rentrer dans une réponse professionnelle mieux adaptée. Après avoir pris un certain recul et pris conscience de la situation, il va pouvoir réagir sans tendre la situation et casser cette spirale négative. Dans notre cas d’école, le professeur fait un pas en arrière, il reprend le contrôle de la situation dans un micro geste professionnel de régulation que souligne la phrase : « Je ne veux plus le voir « avant de terminer par deux pas en arrière et le mot : « Voilà ! » avec une insistance sur cette dernière syllabe, cette seule syllabe porte en elle la marque de la délivrance, le corps se détend.



Enfin en sixième étape, pour clore la situation et vraiment marquer que l’enseignante a repris son territoire en reculant à portée de tous, l’incident se termine par un micro geste d’injonction pour cadrer l’élève, elle reprend le mot libérateur voilà et dans une situation d’instruction injonctive il va clore l’incident : «  Voilà, tu prends ton crayon, tu prends le cahier…et tu te mets au travail ». Il montre ainsi qu’il a fini par obtenir ce qu’il demandait. Le ton de la voix est ferme, le découpage des patterns de temps est précis , par trois fois, en trois unités sémantiques, les consignes sont assignés , par le geste, la voix dans une ligne mélodique descendante sans ambiguïté et les mots clés sont : crayon, cahier, travail, trois symboles forts s’il en est du métier d’élève. Elle tourne le dos à l’incident et reprend rapidement la direction de sa place en regardant l’ensemble de la classe.


Un des intérêts de ce travail d’observation à la loupe de ces diverses attitudes, réactions et comportement des protagonistes qui occupent la grande scène du théâtre des apprentissages qu’est l’école, est sans nul doute de voir où commence et où s'arrête l'incident ? Existe-t-il un protocole qui permette de mettre en évidence ces micros gestes professionnels ? Sont-ils suffisamment stables et explicitables afin d’être intégrés dans les parcours de formation afin que nos étudiants, ces futurs professeurs soient capables de s’en servir ? Peuvent-ils se les approprier lors de leurs différents stages dans l’accompagnement formatif qui leur est proposé dans les plans de formation ?